Préface

Il y cinq ans déjà, j’avais commencé à écrire mon histoire. Puis, me croyant sur le chemin de la paix, j’avais abandonné. Mais en cours de route, mes maux et mes doutes m’ont rattrapée… Les traduire avec des mots s’est alors imposé comme la seule issue possible, l’unique thérapie qui me permettrait enfin d’atteindre la résilience.

  

Cette histoire est le témoignage d’une vie, la mienne. Une vie différente de celle dont j’avais rêvé… Une vie qui a failli me tuer, mais que j’ai décidé de vivre, puis de raconter, afin qu’elle puisse aider et redonner espoir à d’autres jeunes en souffrance, et qu’elle serve aussi à faire évoluer notre système actuel, souvent défaillant.

  

Certains noms de mon récit ont été volontairement modifiés, par prudence, mais les faits relatés sont réels et j’en livre ma représentation dans ce récit, tel que j’ai vécu les événements.

Je ne signe pas ici la condamnation de mes bourreaux, mais bien ma propre libération. Celle qui me permettra d’exister enfin, libérée de mes chaînes, maîtresse de mon destin ; osant être moi-même, refusant une mort programmée de mon âme.

  

La perversion narcissique maternelle dont j’ai été victime est une forme de violence encore trop méconnue du public, mais aussi du monde thérapeutique ainsi que du monde judiciaire. Il m’aura fallu trente ans pour comprendre et pouvoir enfin mettre un nom sur la torture morale que je subissais au quotidien, de la part de ma mère, depuis l’enfance, et qui se perpétue encore aujourd’hui. J’ai épluché le Net et fouillé les rayons des bibliothèques à la recherche de pistes qui pourraient m’aider à me sortir de ce cauchemar, mais n’y trouvant rien qui corresponde vraiment à ce que je vivais, je me suis retrouvée bien seule avec ce constat.

 

En France, une association existe et quelques témoignages m’ont tout de même permis de mettre en lumière ce phénomène. Alors, j’ai décidé de sortir du silence en publiant ce témoignage, afin de révéler les conséquences désastreuses que peuvent avoir de tels abus sur le psychisme des enfants victimes d’une maltraitance psychologique « masquée », non reconnue par l’entourage et la société, au sein même de leur propre cadre familial.

Je souhaite que mon histoire puisse éclairer les adolescents en souffrance morale, victime de cette violence particulière qui les conduit souvent dans l’inquiétant couloir de la mort de l’identité.

 

Quand un enfant est à ce point privé de l'essentiel, il ne peut que dépérir ou se tourner vers les paradis artificiels, là où une euphorie factice lui apporte un semblant de plaisir et de réconfort... avec tout ce que ce comportement implique, tels la délinquance, le vol, la prostitution ou le meurtre parfois...

Quand une mère se comporte ainsi et détruit littéralement son enfant, elle signe elle-même l’arrêt de mort de celui-ci... une mort morale sûrement, mais qui mène parfois à une mort réelle, par overdose ou même par suicide...

 

Aujourd’hui, le secteur de l’aide à la jeunesse est en « crise » face, d’une part, au nombre croissant des jeunes en difficulté, et d’autre part, à la pénurie de professionnels qualifiés et compétents ainsi qu’aux moyens financiers de plus en plus restreints. Mon parcours de vie témoigne des dérapages et des manques dans le secteur tout entier, qui se révèle pourtant aujourd’hui être un outil indispensable pour accompagner les jeunes, de plus en plus nombreux, en mal de vivre. Les éducateurs sociaux, s’ils sont efficaces, sont les vrais artisans de la paix, travaillant avec les adolescents en rupture, marqués au fer par leurs blessures affectives, ne demandant bien souvent qu’à être entendus, reconnus et aimés. Privés d’attention et de repère, la fureur devient souvent pour eux le seul moyen d’exprimer leur souffrance et la seule façon de se sentir vivants.

 

Une seule main tendue suffit pourtant pour sauver certains êtres, prisonniers de la méchanceté et qui, pour cacher une blessure profonde et leur frustration, ne trouvent que la haine comme moyen d’expression.

 

Désirant, à l’avenir, se protéger de détraqués qui tuent des innocents dans les crèches, la société préfère investir dans le renforcement de la sécurité plutôt que de chercher à comprendre ce qui les a amenés à une telle folie meurtrière, se limitant à la création de couloirs sécurisés destinés aux seuls nantis qui auront les moyens de payer leur protection.

Doit-on laisser les souffrants s’entretuer ou se faire anéantir par les forces de l’ordre et entretenir ainsi un climat de peur et de violence ? Pour construire la paix, ne serait-il pas préférable d’investir massivement dans l’aide aux jeunes, futurs adultes de demain, d’intervenir, là où réside la possibilité de vaincre ce fléau pour construire un monde moins hostile ?

 

Comme si subir cette violence perverse ne suffisait pas, il a fallu que je naisse privée d’une partie de mon identité. Car seule ma mère sait qui est mon père… En entretenant ce mystère sur mes origines, elle détient là une arme efficace qui m’a longtemps retenue prisonnière d’une relation destructrice...

Aujourd’hui, je m’interroge sur ma crise identitaire et sur celle qui pend au nez des enfants qui naîtront de fécondation in vitro, de mères porteuses ou encore par insémination artificielle, de pères donneurs anonymes… Les progrès de la science et les profits qu’elle génère prennent le pas sur l’humanisme, privant des êtres humains d’un droit primordial, celui de la connaissance de leurs origines…

 

Il faut parfois vivre une telle histoire pour en comprendre l’essence et pouvoir ensuite la partager...

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