Chapitre 2

L'ouvrage a un style littéraire particulier. Le lecteur est surpris par des "Flash Back" le renvoyant dans le passé, marqué par l'écriture en italique.

 

"Le complot"

 

Extraits :

 

Ah, les jolies colonies de vacances, merci papa, merci maman. Ah, les jolies colonies de vacances, c’était chouette…

C’est en chantant que nous rentrons à la maison.

Malgré la peur qui m’habite à cette idée, je suis heureuse de retrouver ma mère…

Je la regarde courir vers les filles. Elles lui sautent au cou et font claquer leurs baisers.

Virgile lui tapote l’épaule avec sympathie et l’embrasse.

J’ai tellement envie de courir dans ses bras, moi aussi, et de lui dire que je l’aime et que tout ira bien. C’est ma maman après tout… Mais j’ai peur de me faire mal pour rien…

Je vais vers elle, le sourire aux lèvres…

Elle serre Kristof dans ses bras, puis les yeux sévères, me regardant à peine, me donne juste un baiser et me souffle un «bonjour» indifférent…

Mon désir retourne au trou.…

 


     

Depuis notre emménagement, nous retrouvons une vie familiale plus intime.

Kristof retravaille et la vie active reprend de plus belle. Métro, boulot, dodo. Ce rythme, nous n’y sommes plus habitués. Les filles, par contre, ont repris les vieilles habitudes : entre la classe, les copines et les activités extrascolaires, il ne reste même plus assez de temps pour s’ennuyer !

Cela fait du bien de les voir se réintégrer à cette vie moderne et active. Leur capacité d’adaptation est surprenante.

La reprise des cours n’a pourtant pas été si facile. Elles sont un peu devenues des étrangères, différentes des autres filles. Et elles ont décroché de l’actu jeunesse. Grâce à leur créativité et leur expérience unique, elles ont finalement trouvé le moyen d’en tirer profit pour attirer les copines. Nous venons de découvrir la dyslexie de Xénia, à qui l’écriture et la lecture demandent un effort considérable. Au verdict du logopède, je me sens soulagée ! Ce n’est donc pas mon enseignement ou mes méthodes qui sont en cause !… Je ne suis donc pas une bonne à rien !

Pendant que les filles sont à l’école, j’en profite pour aller chercher quelques objets chez nous, dans l’autre maison. Ma mère est là… Le sourire narquois…

 

-  Bonjour maman, je viens chercher quelques affaires au grenier

-  J’ai une bonne nouvelle…

- Ah oui, laquelle ?

- Je viens de signer pour l’achat d’une maison. Celle juste ici derrière, à moins de cinquante mètres.

-  Super maman, c’est une bonne nouvelle !

Mais je n’ai pas dû être assez convaincante et enthousiaste à l’annonce de cette nouvelle, car elle me lance d’un ton sarcastique:

- Ne t’inquiète pas, ce n’est pas pour être près de toi. C’est parce que ça m’arrange BIEN !

 

Je ne comprends pas où elle veut en venir mais je n’insiste pas. Je connais son habitude de laisser planer le mystère, et le flou s’installer…

 

 


  

Tout au long de notre voyage, nous avons vu partout des maisons en béton, au détriment de la qualité de vie. Là-bas, le béton, matériau occidental, est un signe de prestige. Il n’est pourtant pas du tout adapté au climat chaud. Et pourtant, ils ne conçoivent même pas d'isoler leur maison. Les riches se construisent des palais en béton et ensuite font tourner les ventilateurs et la climatisation à fond. Quand survient une panne de courant, ils allument le générateur. En résulte une véritable pollution sonore et environnementale. Bien souvent, une certaine quantité de mazout coule dans le sol et, pour couronner le tout, le nuage de fumée noire qui se dégage de l’engin pétaradant, fait tousser les passants… Et voilà le progrès !… C’est magnifique !

Notre voyage a modifié profondément notre perception du monde et nous a donné l’envie d’appliquer une philosophie de vie plus saine. Nous avons vu ce que peut engendrer la démolition d’une maison en béton. Les maisons de terre étaient pourtant si fraîches à vivre et protégeaient leurs occupants de la lourde chaleur…

 


 

Ma mère s’est déplacée pour m’accompagner à l’hôpital. Dans la voiture, elle me répète inlassablement :

  C’est pour ton bien. Tout va s’arranger. Nous ne t’abandonnerons pas.

Je rentre de mon plein gré, mais la tête baissée, honteuse de tout ce mal que je provoque…

Nous rencontrons le psychiatre qui s’occupera de mon dossier. Ma mère lui déballe son charabia, comme quoi j’ai toujours été insupportable, invivable…

Elle s’en va. Par la fenêtre, je la regarde partir. Elle m’abandonne, une nouvelle fois et je me retrouve seule, ne sachant même pas ce qu’on va bien pouvoir faire de moi. Vont-ils enfin me libérer de mes souffrances ? Trouver ce que j’ai ?

Après avoir pris connaissance du fonctionnement global de l’hôpital, je ne tarde pas à rejoindre mon lit. J’ai besoin d’être seule.

Après ce bouleversement moral, je me sens patraque. Ma tête me lâche, elle a besoin d’une bonne cure avant d’affronter le diagnostic de mon état mental. Maniaco-dépressive, schizophrène, paranoïaque, hystérique ou autre ? En attendant, je préfère ronfler.

Le lendemain, Kurt vient avec Naomi me rendre visite. Il l’avait promis. C’est son anniversaire. Un an déjà ! Elle est plutôt câline aujourd’hui. Elle rampe partout à quatre pattes et revient vers moi en riant. Kurt est sorti pour fumer. Lorsqu’il revient chercher la petite, je lui demande quand prévoit-il de revenir. Il me répond qu’il ne sait pas. En partant, il me balance, du bout du couloir :

  Tu as toujours été folle !

Pourquoi doit-il encore me le rappeler. C’est bon, je le sais !

Heureusement, tous les médecins, infirmiers et même de nombreux patients parlent le français. Je me débrouille tant bien que mal en néerlandais, mais ce n’est pas facile de me concentrer dans une autre langue, avec tout ce que je ressens.

Au bout de trois jours, je rencontre le psychologue pour des «tests d’intelligence». Je dois compléter une feuille d’exercices. Il me faut un bon quart d’heure avant de remettre le tout au psychologue.

Il m’invite ensuite à parler de moi, de ce qui m’amène ici.

Par où commencer ? Mon enfance ? Je prends mon courage à deux mains et je me lance. Au fur et à mesure de mes confidences, il approuve d’un hochement de la tête.

Quand la séance se termine, il me dit :

  Ce n’est pas votre place ici, mais celle de votre mère !

                                               

Cette phrase change tout à coup mes perceptions !

Je ne suis donc pas folle.

 

 

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :